Éternels. [Libre]

**Zhang Mortelune**

Désormais, lèves toi et marche... A jamais.

Sans odeur.
Sa nuque ne dégageait aucun parfum. Même pas celui de la mort. Pourtant, les effluves des souvenirs se bousculaient dans ses yeux. Mélancolie, rancune, haine, dégoût, et quelque part, au fond de son être, une vague d'amour, inondant son cœur de temps en temps. Le vent était frais et sifflant. Lui portait une odeur. Celle des clairières de Tirisfal, des réprouvés qui s'y étaient établis, des plantes qui subsistaient toujours. Toutes ces senteurs lui étaient familières. Habituée jusqu'à la souche, à force d'y stagner des heures durant, immobile. Zhang était agenouillée au bord de l'étang, lui aussi, immobile. La Lune scintillait, et ses reflets se projetaient sur la surface lisse de l'eau. Elle adorait cet étang. Surtout lorsqu'il s'agissait d'y venir sur le dos de son cheval. La vague d'amour lui était destiné. A lui seul. La seule chose qu'elle ait jamais vraiment aimé, c'était lui. Il était là, Matricis, les paupières closes, somnolant, caressé par la brise. Tandis que Zhang faisait danser son doigt gracile dans l'eau tout en l'observant. Autrefois, il avait été musclé, puissant. Un magnifique cheval, d'un noir somptueux. Mais violent, agressif envers ses congénères. Désormais, il était beaucoup plus rang, robuste, encore plus beau qu'avant, avec ses iris pourpres. Elle était la seule qui pouvait le monter, bien qu'il ne craigne pas le moins du monde les réprouvés. Il défendait sa maîtresse, il combattait n'importe qui et n'importe quoi si on le lui demandait, même un crabe. Il était le meilleur cheval. Il était comme elle. A la fois vivant, et mort. Plus vivant, pourtant. Son cœur battait encore. Mais il battrait pour toujours. La magie l'embrassait. Il était la seule chose qu'elle est jamais aimée, et il ne partirait pas. Matricis serait toujours là. Ils formeraient ce duo imparable, jusqu'au néant. Éternels.

Maintenant, ils sillonnaient le sentier abîmé qui menait à Fossoyeuse. Sur le dos de l'étalon, une petite cargaison de plantes et d'un ou deux libres. Il n'avait ni selle, ni longe, aucun harnachement. Mais il avançait tranquillement derrière Zhang. Le ciel s'assombrissait à peine. Voilà bien longtemps qu'on ne distinguait presque plus le jour de la nuit. Mais la nuit parlait à la jeune femme. La lune lui avait toujours soufflé des mots. Malheureusement, elle devait travailler, maintenant que la Dame Noire en personne lui avait permis de continuer à vivre au sein de sa ville. Elle était considérée comme une réprouvée. Une apothicaire, qui en plus de devoir mettre au point la peste prévue par l'elfe, s'occupait des plantes et des livres. Elle n'avait aucune envie de passer la nuit à ranger et à lire. Son cœur avait été remplacé par une loque pleine de trou. Peu à peu, la douleur naissait, dans son ventre. Mélancolie inexplicable. Elle ignorait ce qui lui manquait. Peut-être de n'avoir aucune attache. De pouvoir errer à travers les landes ravagées, d'écouter la lune. Mais même cela ne la comblait pas. Il manquait quelque chose. Elle se sentait trouer, dans son esprit. Il manquait un morceau. Un morceau que l'on avait arraché sauvagement. Laissant la blessure infectée à nue. Mortelune trébucha et tomba sur les genoux. Cela lui rappela le jour où on lui avait versé ce liquide dans la bouche, qui avait fait mourir son corps. Elle se souvint des cauchemars faits dans sa cellule, des larmes des autres prisonniers. De l'angoisse, de la soif, de l'envie de revoir la lune et le soleil hivernal qui la réchauffait au lieu de la tuer. Derrière elle, Matricis piaffa. Il appuya sa tête dans le dos de sa maîtresse, pour l'inciter à se lever. Il sentait tout. Comme tous les chevaux. Les chevaux sentent la peur, le mal, l'angoisse. Mais lui, il sentait absolument tout, chez elle. Presque si il ne lisait pas ses pensées, et c'était quasiment cela.
Finalement, inspirant une longue bouffée d'air, aussi pourri soit-il, Zhang se releva, les jambes, légèrement tremblantes, le cœur au bord des lèvres. L'étalon la poussa en avant, d'une manière qui se voulait tendre. Elle reprit sa marche, traversant le brouillard nocturne et les minutes interminables, pour arriver devant les ruines. L'envie n'y était pas. Pas du tout. Il lui fallait une pause. Une nuit dehors, juste une. Elle retira le chargement de Matricis et le laissa partir vagabonder dans les clairières. Il reviendra au petit matin, quand elle partirait fouiller les quelques forêts pour dénicher d'autres plantes. Zhang s'approcha de lui pour caresser son encolure, et juste avant de partir à une vitesse folle, l'étalon appuya encore une fois sa tête contre elle. Alors, un sourire déchira ses lèvres. Sincère. Il lui arrivait souvent de sourire, mais c'était faux, la plupart du temps. Là, non.

Il était tard. Il faisait froid. Mais Zhang était sereine. Installée, adossée à un tronc encore épais, elle laissait son esprit vagabonder. Les souvenirs, les visions. Parfois un pincement au cœur, parfois le vide intérieur. Paisible. Même si le froid était mordant. Le vent hurlait. Il commençait à pleuvoir. Il pleuvait souvent. Mais Mortelune adorait la pluie. Elle était si bienfaitrice. Elle parvenait à tout calmer. Mais il fallait voir ça comme une purge intérieur. Car au fond, la pluie peut ravager les terres.
Bientôt, il y eut des bruits, non loin. Branches, peut-être une voix, respiration, chute. Il y avait un intrus. Zhang se releva vivement, inspecta les alentours, et cracha à l'inconnu de se montrer, de sa voix creuse.

**Essnälth** Personnalité

{ Up quelqu'un, merci =) }

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